La lecture et l’apprentissage de l’anglais : tour d’horizon des idées reçues et pistes pour progresser

Contrairement à de nombreuses idées reçues, lire en anglais n’aide pas toujours à progresser, surtout pour les enfants. Voir un mot à l’écrit, pour un élève de primaire, ne va pas l’aider à l’assimiler. Pire, à un âge où l’enfant apprend à déchiffrer en français, l’effet peut être à l’inverse de ce qui est recherché.

Chaque chose en son temps

En primaire, l’enfant apprend à lire dans sa langue maternelle. Cet apprentissage repose sur plusieurs processus : l’acquisition de la conscience linguistique (prendre conscience que ce que l’on sait dire peut aussi se lire et s’écrire, ex : « j’ai faim » peut se dire, se lire et s’écrire), le décodage des sons par rapport à leur écriture (la grapho-phonologie), l’automatisation (savoir reconnaître de plus en plus rapidement les mots déjà lus ou écrits), la compréhension des mots, des phrases, des paragraphes puis des textes, et la production écrite, dont l’enseignement se fait parallèlement à celui de la lecture. Tout ceci, enseigné de la GS au CM2 permettra à l’élève de devenir un lecteur chevronné, capable de lire des centaines de mots à la minute et de comprendre des écrits de plus en plus longs.

Ces processus sont mis en place dans la langue maternelle, ici le français, et interviennent à la suite de ce qui a été appris par l’enfant à l’oral (cercle familial, PS et MS). En utilisant la lecture comme vecteur d’apprentissage de l’anglais à un âge où l’enfant apprend lui-même à lire dans sa langue maternelle, on bouscule ces différents processus et on entraîne des confusions : le décodage des sons est fait à la lumière de ce que l’enfant apprend dans sa langue maternelle ce qui, nécessairement, entrave la correspondance grapho-phonologique dans la langue étrangère. Par exemple, make sera prononcé « mak », orange sera prononcé à la française, red aura un « r » guttural (prononcé dans la gorge) au lieu d’un « r » rétroflexe (prononcé en ramenant la langue vers l’arrière du palais)… Et cela est tout à fait normal : on n’apprend pas à lire en même temps dans deux langues aux codes parfois similaires et parfois diamétralement opposés.

Puisque l’école primaire est l’occasion d’un éveil aux langues (que ce soit l’anglais ou toute autre langue maîtrisée par le corps enseignant), il est important que cette découverte reste orale. En écoutant et en communiquant, l’enfant apprend à parler anglais de la même manière qu’il a appris sa langue maternelle quand il était bébé : par l’oral et par la répétition.

Une réalité sur le terrain bien plus nuancée

En réalité, l’état actuel du système éducatif français fait que l’enseignement des langues en primaire utilise souvent l’écrit, certainement par mimétisme par rapport aux autres matières mais également par manque de temps et d’expertise pour le domaine. Malheureusement, pour pouvoir enseigner une langue sans support écrit et sans trace écrite, il faut que l’enseignant lui-même soit à l’aise avec cette langue à l’oral (ici, à l’aise ne signifie pas spécialiste) et ce n’est, bien entendu, pas toujours le cas.

Au secondaire, le problème se pose moins car l’apprentissage de la lecture est théoriquement terminé. Les sons du français sont maîtrisés et reconnus et le passage de l’oral à l’écrit puis de l’écrit à l’oral, en ce qui concerne la phonologie, se fait sans accroc. Il est donc possible d’utiliser l’écrit pour progresser efficacement en anglais, tout en n’oubliant pas qu’il s’agit d’une langue vivante dont le but est avant tout la communication orale ou écrite. Lorsque la lecture en anglais devient centrale à l’enseignement de la langue étrangère, l’élève repasse par toutes les étapes de l’apprentissage de la lecture, mais cette fois bien plus rapidement et efficacement.

Lorsque lecture rime avec progrès

À partir du B1, lire en anglais devient un réel vecteur de progrès rapides. Même si la lecture peut être une réelle épreuve au début, elle permet d’avoir accès à un anglais qui, s’il n’est pas forcément naturel d’un point de vue conversationnel, vous permet d’entrer en contact avec la langue, ses tournures et son vocabulaire. Plus vous rencontrez de mots et de formes syntaxiques dont vous arrivez à percevoir le sens, plus vous les retenez et plus vous progressez. Lire permet d’acquérir un vocabulaire varié et d’être exposé à des tournures grammaticales bien plus nombreuses que lorsque l’anglais n’est travaillé qu’à l’oral. Pour une lecture active et efficace, il peut être bénéfique d’avoir un petit carnet dans lequel noter les nouveaux mots de vocabulaire et les tournures qui interpellent. Mais cette étape perd de son intérêt si elle devient pesante pour le lecteur.

Ne pas aller plus vite que la musique

Pour que lecture rime réellement avec progrès, il faut s’y atteler à son rythme. Même si lire un texte compliqué peut sembler être une bonne idée pour être exposé à un vocabulaire plus avancé et à des tournures plus soutenues, cela n’est pas si simple. Encore une fois, lorsqu’on apprend une langue, le but ultime est la maîtrise de celle-ci. Prenons pour exemple le français : il ne nous viendrait pas à l’idée de lire un traité de physique nucléaire pour améliorer notre français de tous les jours. C’est la même chose avec une langue étrangère. Ce qui importe, c’est l’exposition à cette langue. En choisissant un écrit qui vous intéresse et qui correspond à votre niveau, vous lirez davantage et bien plus rapidement. Et en ce faisant, vous serez bien plus exposés à la langue qu’en commençant par un original d’Edgar Allan Poe ou de James Joyce. Si les livres ne vous intéressent pas non plus, alors commencez par des magazines, des articles, des textes courts, des chansons ou encore des posts sur les réseaux sociaux (en sachant que tous les posts ne se valent pas en grammaire…).

De même, il est important de veiller à sélectionner des textes correspondant à votre niveau du CECRL. Lire à un niveau supérieur peut être rapidement décourageant et indigeste. Si les classiques vous intéressent, il existe des versions adaptées à votre niveau que vous trouverez facilement en ligne ou que vous pourrez commander auprès de votre libraire si celui-ci propose ce service.

Comment faire pour éviter de lire avec un accent français ?

Plusieurs possibilités s’offrent à vous :

  • Lorsque vous n’êtes pas sûr de la prononciation d’un mot que vous lisez : internet et votre smartphone regorgent de sources utiles. Siri, Alexa ou de nombreux dictionnaires en ligne (Webster, Collins, Wiktionnaire…) vous permettront d’écouter des enregistrements des mots, parfois même selon l’accent que vous préférez.
  • L’outil « lecture à voix haute » de Microsoft Office, plutôt bien conçu malgré des erreurs de prononciation occasionnelles.
  • Essayez les audiobooks. Si vous n’êtes pas habitués aux audiobooks, laissez-leur une chance et essayez-en plusieurs. Le style du lecteur de l’audiobook (accentuation, matérialisation des pauses, interprétation des voix ou du narrateur…) peut parfois être déroutant et il ne faut pas hésiter à en essayer plusieurs avant de rejeter cette source d’anglais oral.
  • Dans la même veine, il existe aussi des podcasts de fiction disponibles gratuitement (comme Escape Pod (https://escapepod.org/) ou Clarkesworld (https://clarkesworldmagazine.com/podcasting/) pour les amateurs de science-fiction). Cela offre la possibilité d’écouter et de lire le texte en même temps.
  • Pour votre enfant qui apprend l’anglais et qui a un cahier avec une trace écrite à apprendre : accompagnez-le dans le décodage entre écrit et oral et, si vous savez vous-même parler anglais, ne laissez pas s’installer une prononciation à la française. Si votre enfant est en primaire, il faudra l’inviter à faire la part des choses entre le déchiffrage qu’il apprend à faire dans sa langue maternelle et le déchiffrage auquel il est exposé en anglais.

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